Les mafieux sont partout...

Je me surpris à frapper dans le vide. Et la seconde d'après, j'étouffai un grognement énervé. Je me levai de mon lit, remis aussitôt la couette en place et m'assit au pied de mon lieu de dodo. Où diable était passé Haiko ? Habituellement, quand je me réveillais, je le frappais pour qu'il se réveille aussitôt. Et lui faisait pareil. Rien de mieux pour être de bonne humeur d'aussi bon matin. Je m'étirai souplement pour retomber comme une masse sur ma couette.

Fausse alerte. C'est vrai, j'avais totalement zappé, ça. J'avais une mission à exécuter au même endroit qu'une mission de Viper. Et vu que, tout les deux, on se ressemble au taquet niveau flemmardise et limitation des mouvements, il avait envoyé Jïki à sa place. Et j'avais fait la même avec Haiko. Bah c'est parfait, ça, je pouvais donc me rendormir en beauté.

Sauf que le destin ne plaida pas à ma cause. On frappa à la porte. Je regardai sommairement l'heure sur ma montre. Treize heures trente ? La vache, il était si tôt que ça ? Je grognai, assez fortement pour que celui qui frappe comprenne qu'il pouvait entrer. Et je vois le petit vieux débarquer avec un oreiller, sa peluche et... un chariot de nourriture. Je plissai les yeux, m'asseyant en tailleur sur le rebord du lit. Mes coudes sur mes genoux, mains jointes, menton sur mes doigts entrelacés.

- « S'lut petiot. »
- « Swallow », me lança-t-il avec une voix de diplomate.  « J'ai un service à te demander. »

Je le regardai et plissai mes yeux de plus belle. Des yeux pareils à des saphirs. Mes cheveux étaient juste devenus dans une couleur vert d'eau. Et, vu que vous êtes des abrutis, ça veut dire que je suis très sérieuse, comme le disait mon expression. Je me levai, donc, et lui souleva la cloche qui cachait deux dindons, légèrement caramélisés. Un point. J'observai le tout très minutieusement, allant même jusqu'à prendre une fraise, la tremper dans la cruche de coulis de fruits rouge ( bon choix d'avoir pris une cruche, un autre point pour lui ) et goûtai le tout. Pas trop sucré, le goût des fruits ressortait, et il y avait une touche de vanille avec un arrière-goût de canelle. Ah, là, on passait à cinquante sept points direct.

En plus, il y avait un litre et demi de coulis. Et ça, c'était bien. Parce que sans le coulis de fruits rouges... Hors de question de manger n'importe quelle tarte aux fraises. Il faisait donc très attention à l'importance. Soixante cinq points.

- « C'est acceptable ? »
- « C'est acceptable, Viper. »

Je jetai un coup d'oeil à sa peluche, et remarquai aussitôt qu'il s'agissait de son chat noir en peluche. M'asseyant dans la même position qu'avant m'être levée, en plein milieu du lit cette fois-ci, je ramenai mon lapin noir en peluche aux yeux rouges contre moi. En le serrant contre ma poitrine, bras en croix. Langage codé, qui signifiait 'plus que largement acceptable, même'. En plus, je n'avais pas mangé depuis la veille au soir. Riez, ça fait beaucoup. J'ai besoin de manger, moi. En plus, les dindons, c'est une volaille succulente. Ce qui nous faisait un total de quatre-vingt huit points. Quand personne n'arrivait à dépasser la barre des cinquante deux points, comprenez ma réaction. Et vu tout ce qu'il avait fait, ça risquait d'être une sacré faveur à demander.

- « Qu'est-ce que tu veux ? », lançai-je d'une voix calme en brisant le silence.

Quiconque ne sachant pas ce qu'on faisait réellement aurait pris cette scène pour une réunion mafieuse de la plus haute importance. Et on était pas si loin du compte, à vrai dire. D'un geste de la main, qui fut plus imperceptible que celui de ma tête, je l'invitai à me rejoindre. C'était comme ça. Il présente la faveur, on en discute ensemble, assis de préférence. Alors, que voulait-il le p'tit vieux...

"La glace n'est peut-être que rigide, l'eau elle est fluide et très souple."

Code de Frosty Blue de Never Utopia

La bonté est soudaine...

- « Qu'est-ce que tu veux ? », lançai-je d'une voix calme en brisant le silence.

Je lui fis deux signes pour l'obliger l'inviter à venir s'asseoir. Ce qui ne se priva absolument pas de faire. Deux enjambées, et il s'affala dans mon lit à mes côtés. Je n'avais pas bougé d'un pouce. On parle d'une faveur, là, il faut donc être sérieux. Viper était donc assis-affalé, Mellow contre sa poitrine. Je resserrais mon emprise sur Willow, mon lapin en peluche.

"Appelle-moi 'petiot' encore une fois et je t'assassine dans ton sommeil.", me dit-il, l'air décontracté.
- « Ah, les complexés... », répliquai-je avec un sourire en coin, l'air tout aussi décontracté.

J'élidais le tout de ma main et redevins sérieuse. Une faveur avons-nous dit. Sérieux de mafieux pour l'instant, je ferais joujou après. Il prit une grande inspiration, ce qui me fit arquer un sourcil. Mes aïeux, cela devait être vraiment très grave.

"J'ai un nouveau camarade.", me lança-t-il. C'est quoi c'te voix d'outre-tombe... "Il s'appelle Kayron."

Je penchai ma tête sur le côté. Si c'était si grave, il n'y avait que deux options. Soit il était amoureux, soit il avait envie de tuer son camarade. Je plissai les yeux. Alors, qu'en est-il ? Que je puisse manger, bordel, je crève la dalle.

Deuxième grande inspiration de mon pote, et il me narra toute l'histoire. Mon sourire en coin réapparut lorsqu'il évoqua sa chute avec le vide. Toujours aussi malchanceux, le pauvre... J'écoutai silencieusement, installant les assiettes et les plats sur mon lit avec lui. J'entamai mon assiette lorsqu'il termina son grave problème.

- « Je ne sais pas quoi faire. »conclut-il avec un soupir à fendre l'âme.  « Qu'est-ce que tu en penses ? »

Ce fut à mon tour d'émettre un soupir à fendre l'âme. Malchanceux doublé d'un mec compliqué et complexé. Et sa faveur était d'avoir mes conseils. J'allais pas le louper, vu ma franchise...

- « L'affaire est très grave, en effet. », commençai-je avec ironie, qui disparut aussitôt. Laissant la place à ma légendaire franchise. - « Tu réfléchis autant quand tu flashes sur quelqu'un, mon grand ? »

Il n'était pas suffisamment con pour savoir ce que je voulais dire par 'grand'. Pas en terme de taille, mais en terme de maturité. J'étais juste en train de dire qu'il avait la réaction d'un enfant qui découvrait l'adolescence. Un bleu, quoi. J'arrachai un morceau de cuisse du dindon, l'apportai à mes lèvres avec ma main droite, et me délectais de cette chair exquise. Traitez-moi de porcasse et je fais des guirlandes avec vos entrailles.

- « S'il t'attire ou, cas plus grave, que tu l'aimes... Bah vas lui dire, grand bêta. T'attends quoi, le déluge ? »

Bêta. J'avais dit bêta. Ce n'était pas dans mon registre linguistique, ça. Mon dieu. Cela dit, c'n'est pas demain la veille que ma franchise sera doucereuse, quelque soit mon registre. Comment.Se.Rassurer.Solo.Bonjour... Tiens, mais il n'y avait pas une tête sans camarade dans les rangs des Chevaliers ? Rah la plaie, ça allait me retomber dessus, encore une fois. Tcheu. Respirant profondément, mon lapin en peluche sur mes genoux, je relevai la tête vers lui.

- « Et vu que j'suis d'bonne humeur, j'peux même consentir à t'aider dans ta déclaration, man. »

Je m'essuyai les mains en froissant une serviette sur ma table de chevet, que je mis au milieu de la table. Sait-on jamais, il allait peut-être en avoir besoin.

"La glace n'est peut-être que rigide, l'eau elle est fluide et très souple."

Code de Frosty Blue de Never Utopia

Solidarité rime avec sarcasme...

- « Et vu que j'suis d'bonne humeur, j'peux même consentir à t'aider dans ta déclaration, man. »

Le repli stratégique corporel de Viper n'allait certainement pas m'échapper. D'autant qu'il serrait plus Mellow d'une main. Après avoir essuyé les miennes, je serrais également Willow, qui était sur mes genoux.

- « Qui es-tu et qu'as-tu fait de Swallow? », me demande-t-il avec un air méga sérieux.
- « Bah quoi, j'ai même pas le droit de m'amuser ? Ha. T'as si peur que beau gosse le découvre tout seul ou qu... », commençais-je, toujours aussi sarcastique.

Ouais, sauf qu'un coup de coussin latéral vint m'assommer. Sans réfléchir, je lui balançais le mien sur son sourire narquois et, dans le même temps, je finis mon assiette pour me resservir du dernier morceau de dindon. Comment cela, je mange vite ? Ben quoi, je crève la dalle, il me semblait l'avoir dit, hein...

- « M'aider dans ma déclaration tu dis? Encore faudrait-il que tu saches te déclarer. », dit-il sur un ton provocateur en me faisant arquer un sourcil moqueur.  « Tu manques un peu d’expérience. », termina-t-il, alors qu'un sourire sarcastique à souhait trônait sur mes lèvres.

Je mordis dans mon morceau de viande, le mangeant avec mes mains sans aucun scrupule. Une fois fini, je me resservis sans restrictions et ce, jusqu'à avoir totalement liquidé la viande. Ce qui dura en tout une vingtaine de minutes, et même plus, où je n'avais pas dit un seul mot, mais où je lui balançais toutes sortes de coussin et de peluches à la gueule. Ce qu'il me renvoya bien. Bon, on passe au dessert là ? Changement radical de registre.

- « Ah, mais c'est vrai, tu t'es déclaré... Fallait le dire de suite, j'croyais que tu t'étais dégonflé en disant vouloir dormir. », répondis-je enfin sans que mon sourire moqueur giga ne parte. « Congratulations, tu mérites un tonnerre d’applaudissements pour ton inexpérience totale. »

Je me servis une part de tarte, prenant la cruche pour y déverser le coulis. Une cuillerée entre mes lèvres suffit à me faire dire qu'il devrait sérieusement penser à se reconvertir en cuisiner. Nan, parce que c'était méga bien réussi. Mon visage se fit brusquement sérieux.

- « Redis une seule fois que je ne sais pas me déclarer, et j'te castre, cela dit. », lançai-je calmement.

Parfait, ce sujet-là était clos. Je repris une bouchée de tarte aux fraises, agrémenté d'un peu de ce coulis si parfaitement réalisé. J'enlevai les plats inutiles de mon lit, les rangeant sur le chariot, gardant mon assiette à dessert avec ma part de tarte que je dévorais. Je mis mon dessert de côté, attrapais Willow, et l'écrasa sur la face de Viper.

- « Willow, attaque spéciale neutralisation ! »commençai-je, marquant une pause avant de poursuivre.  « Si t'arrives pas à lui dire, il faut passer par les différents plans... Fuck yeah.

"La glace n'est peut-être que rigide, l'eau elle est fluide et très souple."

Code de Frosty Blue de Never Utopia

Les arpètes, tous les mêmes...

- « Willow, attaque spéciale neutralisation ! »commençai-je, marquant une pause avant de poursuivre.  « Si t'arrives pas à lui dire, il faut passer par les différents plans... Fuck yeah.

Il y eut un instant de flottement avant que je ne décide de reprendre une cuillerée de ce dessert décidément trop bon. Ma main s'avança vers ma bouche après avoir dégluti pour enlever la cuillère de mes lèvres, mais je me reçus une peluche en pleine face qui me fit tomber à la renverse. J'eus juste le temps d’agripper mon assiette pour ne pas qu'elle dégouline sur mon lit.

- "Mellow, attaque ultime puissance divine!"clama-t-il en me sautant dessus pour m'immobiliser. "Et qui te dit que j'ai envie de lui dire quoi que ce soit ?"
- « Quoi ? Tu t'fous d'moi là ?!, pestai-je, une cuillère entre les dents qui m'avait passablement fait mal au palais lors de ma chute.
- "Je n'ai pas eu une seule bonne expérience avec les mecs.", m'avoua-t-il avec un visage si sérieux que je penchais ma tête de côté. "Elles se sont toutes soldées en catastrophe. Peut-être que je n'ai pas envie de revivre ce genre de situation."

Je levais les yeux au ciel, toujours bloquée sous lui, pour finalement le regarder d'un œil noir.

- « Et tu préfères ne rien tenter et taire ce que tu ressens ? T'as déjà appris que tu fous rien et que tu n'arrives jamais à rien si tu ne prends pas des risques ?, lançai-je, toute ma franchise retrouvée.
"Franchement, je suis pas sûr de vouloir tenter le coup. Rien ne me dit que c'est pas un connard fini. Et même si c'est un type bien, c'est pas dit qu'il soit intéressé. Et après bonjour la camaraderie! Ça va être drôle s'il me jette de travailler ensemble."

Je le regardai rouler sur le côté, s'allonger sur mon lit, avec Mellow contre son cœur. Je ne pus réprimer un grognement, vint m'asseoir sur ses hanches pour lui écraser Willow dans la face, ma cuillère n'ayant pas quittée mes lèvres. Elle s'y plaît bien je crois.

- « T'as pas fini de faire ton salop de lâche ? Comment tu peux savoir si c'est un connard fini sans le connaître, hein ? Et comment tu peux savoir ce qu'il ressent sans qu'il ne te le dise ?! », relançai-je, gardant tout mon calme pour ne pas lui hurler à la face.

Que j'avais envie de crier, lui le savait. Parce que je n'avais pas dit 'Willow attaque divine puissance ultime' comme je l'aurais normalement fait. Je me baissais vers son visage, en le regardant droit dans les yeux, un sourire espiègle aux lèvres.

- « Tu n'as jamais eu de bonnes expériences avec les mecs, tu me dis ? Si tu agis comme ça sans essayer d'approfondir les relations, c'est vachement étonnant dis donc. Un jour on t'apprendra qu'il faut faire soi-même le premier pas et pas attendre que ce soit l'autre qui le fasse. »

Je ne bougeais pas d'un pouce puis, finalement, roulais à mon tour de côté, allongé à côté de lui sur le dos en matant le plafond.

- « Je peux t'aider, mais pas me bouger le cul à ta place. Tu décides. Et si tu préfères ne rien lui dire pour l'instant, bah ne dis rien. Baka. », conclus-je avant de respirer profondément.  « Je me demande si Haiko et Jïki s'en sortent bien pour la mission, tiens...

Ouais. J'pouvais pas l'aider plus, autant le laisser mariner et passer à autre chose.

"La glace n'est peut-être que rigide, l'eau elle est fluide et très souple."

Code de Frosty Blue de Never Utopia